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.Le vigilant Cacambo avait eu soin de remplir sa valise de pain, de chocolat, de jambon, de fruits etde quelques mesures de vin.Ils s'enfoncèrent avec leurs chevaux andalous dans un pays inconnu, où ils nedécouvrirent aucune route.Enfin une belle prairie entrecoupée de ruisseaux se présenta devant eux.Nos deuxvoyageurs font repaître leurs montures.Cacambo propose à son maître de manger, et lui en donne l'exemple.CHAPITRE SEIZIÈME 18 Candide« Comment veux-tu, disait Candide, que je mange du jambon, quand j'ai tué le fils de monsieur le baron, etque je me vois condamné à ne revoir la belle Cunégonde de ma vie ? à quoi me servira de prolonger mesmisérables jours, puisque je dois les traîner loin d'elle dans les remords et dans le désespoir ? et que dira lejournal de Trévoux ? »En parlant ainsi, il ne laissait pas de manger.Le soleil se couchait.Les deux égarés entendirent quelquespetits cris qui paraissaient poussés par des femmes.Ils ne savaient si ces cris étaient de douleur ou de joie ;mais ils se levèrent précipitamment avec cette inquiétude et cette alarme que tout inspire dans un paysinconnu.Ces clameurs partaient de deux filles toutes nues qui couraient légèrement au bord de la prairie,tandis que deux singes les suivaient en leur mordant les fesses.Candide fut touché de pitié ; il avait appris àtirer chez les Bulgares, et il aurait abattu une noisette dans un buisson sans toucher aux feuilles.Il prend sonfusil espagnol à deux coups, tire, et tue les deux singes.« Dieu soit loué, mon cher Cacambo ! j'ai délivré d'ungrand péril ces deux pauvres créatures ; si j'ai commis un péché en tuant un inquisiteur et un jésuite, je l'aibien réparé en sauvant la vie à deux filles.Ce sont peut-être deux demoiselles de condition, et cette aventurenous peut procurer de très grands avantages dans le pays.»Il allait continuer, mais sa langue devint percluse quand il vit ces deux filles embrasser tendrement les deuxsinges, fondre en larmes sur leurs corps et remplir l'air des cris les plus douloureux.« Je ne m'attendais pas àtant de bonté d'âme », dit-il enfin à Cacambo ; lequel lui répliqua : « Vous avez fait là un beauchef-d'oeuvre, mon maître ; vous avez tué les deux amants de ces demoiselles.Leurs amants ! serait-ilpossible ? vous vous moquez de moi, Cacambo ; le moyen de vous croire ? Mon cher maître, repritCacambo, vous êtes toujours étonné de tout ; pourquoi trouvez-vous si étrange que dans quelques pays il yait des singes qui obtiennent les bonnes grâces des dames ? Ils sont des quarts d'hommes, comme je suis unquart d'Espagnol.Hélas ! reprit Candide, je me souviens d'avoir entendu dire à maître Pangloss qu'autrefoispareils accidents étaient arrivés, et que ces mélanges avaient produit des égipans, des faunes, des satyres ; queplusieurs grands personnages de l'antiquité en avaient vu ; mais je prenais cela pour des fables.Vous devezêtre convaincu à présent, dit Cacambo, que c'est une vérité, et vous voyez comment en usent les personnesqui n'ont pas reçu une certaine éducation ; tout ce que je crains, c'est que ces dames ne nous fassent quelqueméchante affaire.»Ces réflexions solides engagèrent Candide à quitter la prairie et à s'enfoncer dans un bois.Il y soupa avecCacambo ; et tous deux, après avoir maudit l'inquisiteur de Portugal, le gouverneur de Buenos-Ayres et lebaron, s'endormirent sur de la mousse.À leur réveil, ils sentirent qu'ils ne pouvaient remuer ; la raison en étaitque pendant la nuit les Oreillons, habitants du pays, à qui les deux dames les avaient dénoncés, les avaientgarrottés avec des cordes d'écorce d'arbre.Ils étaient entourés d'une cinquantaine d'Oreillons tout nus, armésde flèches, de massues et de haches de caillou : les uns faisaient bouillir une grande chaudière ; les autrespréparaient des broches, et tous criaient : « C'est un jésuite, c'est un jésuite ! nous serons vengés, et nousferons bonne chère ; mangeons du jésuite, mangeons du jésuite ! »« Je vous l'avais bien dit, mon cher maître, s'écria tristement Cacambo, que ces deux filles nous joueraientd'un mauvais tour.» Candide, apercevant la chaudière et les broches, s'écria : « Nous allons certainement êtrerôtis ou bouillis.Ah ! que dirait maître Pangloss, s'il voyait comme la pure nature est faite ? Tout est bien ;soit, mais j'avoue qu'il est bien cruel d'avoir perdu Mlle Cunégonde et d'être mis à la broche par des Oreillons» Cacambo ne perdait jamais la tête [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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