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.Belle Italie, bords chéris, je vais donc ; Dus revoir encore ; mon âmetremble et succombe à l'excès de ce plaisir.J'étais dans une sorte d'ivresse, je sentais pour l'Italie tout ce que l'amourfait éprouver, désir, enthousiasme, regrets; je n'étais plus maîtresse demoi-même, toute mon âme était entraînée vers ma patrie : j'avais besoinde la voir, de la respirer, de l'entendre, chaque battement de mon coeurétait un appel à mon beau séjour, à ma riante contrée ! Si la vie étaitofferte aux morts dans les tombeaux, ils ne soulèveraient pas la pierre quiles couvre avec plus d'impatience que je n'en éprouvais pour écarter demoi tous mes linceuls, et reprendre possession de mon imagination, demon génie, de la nature ! Au moment de cette exaltation causée par lamusique, j'étais loin encore de prendre aucun parti, car mes sentimentsétaient trop confus pour en tirer aucune idée fixe, lorsque ma belle-mèreentra, et me pria de faire cesser ces chants, parce qu'il était scandaleuxd'entendre de la musique le dimanche.Je voulus insister : les Italienspartaient le lendemain ; il y avait six ans que je n'avais joui d'un semblableplaisir : ma belle-mère ne m'écouta pas ; et me disant qu'il fallait, avanttout, respecter les convenances du pays où l'on vivait, elle s'approcha dela fenêtre et commanda à ses gens d'éloigner mes pauvres compatriotes.Ils partirent, et me répétaient de loin en loin, en chantant, un adieu qui meperçait le coeur.La mesure de mes impressions était comblée : levaisseau devait s'éloigner le lendemain ; Thérésine, à tout hasard, et sansm'en avertir, avait tout préparé pour mon départ.Lucile était depuis huitjours chez une parente de sa mère.Les cendres de mon père nereposaient pas dans la maison de campagne que nous habitions : il avaitordonné que son tombeau fût élevé dans la terre qu'il avait en Ecosse.Enfin je partis sans en prévenir ma belle-mère, et lui laissant une lettre quilui apprenait ma résolution.Je partis dans un de ces moments où l'on selivre à la destinée, où tout paraît meilleur que la servitude, le dégoût etl'insipidité ; où la jeunesse inconsidérée se fie à l'avenir, et le voit dans lescieux comme une étoile brillante qui lui promet un heureux sort.CHAPITRE IV.Des pensées plus inquiètes s'emparèrent de moi quand je perdis de vue lescôtes d'Angleterre ; mais comme je n'y avais pas laissé d'attachement vif,je fus bientôt consolée, en arrivant à Livourne, par tout le charme del'Italie.Je ne dis à personne mon véritable nom, comme je l'avais promis àma belle-mère ; je pris seulement celui de Corinne, que l'histoire d'unefemme grecque, amie de Pindare, et poète, m'avait fait aimer.Ma figure,en se développant, avait tellement changé, que j'étais sûre de n'être pasreconnue ; j'avais vécu assez solitaire à Florence, et je devais compter surce qui m'est arrivé, c'est que personne à Rome n'a su qui j'étais.Ma belle-mère me manda qu'elle avait répandu le bruit que les médecins m'avaientordonné le voyage du midi pour rétablir ma santé, et que j'étais mortedans la traversée.Sa lettre ne contenait d'ailleurs aucune réflexion : elleme fit passer avec une très grande exactitude toute ma fortune, qui estassez considérable; mais elle ne m'a plus écrit.Cinq ans se sont écoulésdepuis ce moment jusqu'à celui où je vous ai vu ; cinq ans pendant lesquelsj'ai goûté assez de bonheur ; je suis venue m'établir à Rome, ma réputations'est accrue, les beaux-arts et la littérature m'ont encore donné plus dejouissances solitaires qu'ils ne m'ont valu de succès, et je n'ai pas connu,jusques à vous, tout l'empire que le sentiment peut exercer ; monimagination colorait et décolorait quelquefois mes illusions sans me causerde vives peines; je n'avais point encore été saisie par une affection qui pûtme dominer.L'admiration, le respect, l'amour, n'enchaînaient point toutesles facultés de mon âme; je concevais, même en aimant, plus de qualitéset plus de charmes que je n'en ai rencontrés; enfin je restais supérieure àmes propres impressions, au lieu d'être entièrement subjuguée par elles.N'exigez point que je vous raconte comment deux hommes, dont la passionpour moi n'a que trop éclaté, ont occupé successivement ma vie avant devous connaître : il faudrait faire violence à ma conviction intime pour mepersuader maintenant qu'un autre que vous a pu m'intéresser, et j'enéprouve autant de repentir que de douleur.Je vous dirai seulement ce quevous avez appris déjà par mes amis, c'est que mon existence indépendanteme plaisait tellement, qu'après de longues irrésolutions et de péniblesscènes, j'ai rompu deux fois des liens que le besoin d'aimer m'avait faitcontracter, et que je n'ai pu me résoudre à rendre irrévocables.Un grandseigneur allemand voulait, en m'épousant, m'emmener dans son pays oùson rang et sa fortune le fixaient.Un prince italien m'offrait, à Romemême, l'existence la plus brillante.Le premier sut me plaire en m'inspirant la plus haute estime ; mais jem'aperçus avec le temps qu'il avait peu de ressources dans l'esprit.Quandnous étions seuls il fallait que je me donnasse beaucoup de peine poursoutenir la conversation et pour lui cacher avec soin ce qui lui manquait.Je n'osais, en causant avec lui, me montrer ce que je puis être, de peur dele mettre mal à l'aise ; je prévis que son sentiment pour moi diminueraitnécessairement le jour où je cesserais de le ménager, et néanmoins il estdifficile de conserver de l'enthousiasme pour ceux que l'on ménage.Leségards d'une femme pour une infériorité quelconque dans un hommesupposent toujours qu'elle ressent pour lui plus de pitié que d'amour ; et legenre de calcul et de réflexion que ces égards demandent flétrit la naturecéleste d'un sentiment involontaire.Le prince italien était plein de grâce etde fécondité dans l'esprit.Il voulait s'établir à Rome, partageait tous mesgoûts, aimait mon genre de vie ; mais je remarquai, dans une occasionimportante, qu'il manquait d'énergie dans l'âme, et que dans lescirconstances difficiles de la vie ce serait moi qui me verrais obligée de lesoutenir et de le fortifier : alors tout fut dit pour l'amour ; car lesfemmes ont besoin d'appui, et rien ne les refroidit comme la nécessitéd'en donner.Je fus donc deux fois détrompée de mes sentiments, non pardes malheurs ni des fautes, mais l'esprit observateur me découvrit ce quel'imagination m'avait caché
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